Est-ce que ChatGPT peut rédiger tes documents juridiques et protéger ton activité ? En tant que juriste indépendante, c’est évidemment une des premières questions que je me suis posée avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA). Mon but ici n’est pas d’ouvrir un quelconque débat concernant le remplacement et/ou l’extinction de certaines professions. Surtout que je ne suis pas forcément la personne la plus experte en intelligence artificielle, ni en ChatGPT lui-même. Cependant, j’ai tout de même appris à l’apprivoiser pour lui demander de rédiger des Conditions générales de vente (CGV).
Aujourd’hui, je prends mes cinq années d’études de droit, mon année et demie de La Juriste 2.0 et, surtout, ma casquette de juriste, pour analyser les CGV que ChatGPT nous a rédigées 👀
L’intelligence artificielle dans le monde juridique
L’IA est peut-être en voie de transformer le monde du travail et les modalités d’accès à l’information, il est tout naturel que le milieu juridique se questionne également.
Avant d’analyser les CGV, voici quelques informations primordiales pour l’appréhension de ce sujet :
- Le droit est complexe. Il est composé de différentes branches, repose sur différents fondements (nationaux, européens et internationaux), contient différents principes, exceptions et exceptions d’exceptions,
- Chaque profession connaît ses spécificités. Certaines professions sont réglementées, alors que d’autres non. Cela doit être apprécié pour l’encadrement de chaque activité,
- Pour que ChatGPT puisse parfaitement répondre à ton besoin, il faut lui donner toutes les informations utiles et nécessaires à ce besoin. Hors, lorsqu’un non-juriste souhaite obtenir un document juridique, c’est bien parce qu’il ne sait pas ce que doit contenir ce document. Alors, comment savoir quelles précisions apporter pour que la rédaction soit complète ?
ChatGPT rédige les CGV d’un graphiste freelance : l’analyse
J’ai ici pris l’exemple d’une activité de graphiste freelance. Voici le profil du graphiste et les informations données à ChatGPT avant de lui demander de rédiger les CGV :
- Graphiste freelance exerçant en France,
- Entreprise individuelle,
- Franchise en base de TVA,
- Clientèle composée de professionnels et de consommateurs français,
- Une brève description des prestations du graphiste,
- Les CGV doivent accompagner le devis.
Voici mes conclusions :
1️⃣ Un manque de précision
Le document reste très succinct. Ce qui ressort du document de manière générale, c’est un manque de précision globale, autant sur l’activité du graphiste, que sur les modalités d’exécution des prestations. Aucun article n’est prévu pour la personnalisation par le graphiste de son activité.
Il est tout de même préciser le champ d’application du devis et les modalités d’acceptation de celui-ci (ces parties méritent tout de même quelques précisions).
2️⃣ Des informations juridiques incomplètes et manquantes
Attardons-nous plus en détail sur le contenu du document ⬇️
Sans parler de la question de son application ici, le droit de rétractation est bien évoqué dans les CGV. En revanche, uniquement pour le particulier (alors que dans certains cas, il est applicable pour les professionnels) et sans proposition du formulaire de rétractation (alors que si la possibilité de rétractation est possible, le formulaire doit être présent).
La clause de propriété intellectuelle ne permet pas au client d’utiliser les créations du graphiste. Juridiquement, cela signifie que toute création utilisée par le client sera alors illicite et sera considérée comme un acte de contrefaçon. Le client fait appel au graphiste pour utiliser ses créations et les CGV lui interdisent de le faire.
La clause de responsabilité n’est pas complète et n’envisage pas les conséquences de la réalisation de dommages directs causés par le prestataire graphiste ou bien même l’inexécution des obligations des parties.
L’obligation de proposer un médiateur de la consommation par le prestataire à son client consommateur n’est pas évoquée ici. Alors qu’elle est obligatoire depuis 2016.
Aussi, aucune précision n’est apportée sur les aspects suivants : modalités de livraison des prestations, encadrement des échanges entre les parties, encadrement des retours clients, obligations du client, obligations du prestataire, etc.
3️⃣ Des fondements juridiques erronés
Les fondements juridiques sont les articles et les lois sur lesquels la rédaction du document est basée.
Quasiment aucun principe n’est cité dans le document. En réalité, le seul fondement présent est celui du droit de rétractation. Sauf que celui-ci date de 2016. Il n’est plus en vigueur depuis cette année-là.
Dans mes précisions, j’ai explicitement indiqué être en franchise en base de TVA et en entreprise individuelle. Cela signifie que, dans les CGV, je devrais avoir comme mention obligatoire celle du Code général des impôts signifiant que mes prix sont sans TVA, ce qui n’est pas le cas ici.
La clause sur la Propriété intellectuelle (aussi incomplète qu’elle soit) n’est pas non plus fondée sur le Code de la propriété intellectuelle.
ChatGPT doit-il être ton nouveau juriste ?
Aujourd’hui, les documents juridiques, et plus globalement, toute information juridique, sont des aspects primordiaux à prendre en compte lorsque l’on souhaite entreprendre et se protéger. Alors, pour répondre à cette question, tu t’en doutes, je dirai que non ! ChatGPT ne doit pas être ton juriste attitré ! Et je ne le dis pas par peur de perdre une potentielle clientèle, mais simplement par souci de protection pour toi et ton entreprise.
Les documents juridiques doivent être précis, viser ton activité, être complets et être basés sur des fondements juridiques à jour ! À l’heure actuelle, seul le juriste (ou la juriste 👋) peut t’apporter cela. Il a été formé à la recherche juridique, à l’appréciation des complexités du droit et à son application concrète aux différentes activités et supports de vente. Si tu souhaites o des modèles de documents rédigés par une juriste, je te laisse cliquer sur le lien suivant :